Aller au contenu principal

Sa faute.

novembre 9, 2013

Elle sait pas aimer.
Ou alors, elle sait pas être aimée. Ou alors elle a su mais elle sait plus.
Elle se souvient de cette histoire. Elle avait 20 ans, il en avait 23. Il habitait La Baule, elle était en vacances la-bas. Leur rencontre était fatale, ça ne pouvait que finir mal.
Il avait eu un coup de foudre pour elle, ça avait suffit a la conquérir puisqu’elle n’avait jamais pensé qu’on puisse s’intéresser a elle. Sur un coup de tête, elle était partie vivre avec lui, chez ses parents, « temporairement » disait-il. Elle se souvient avoir été accueillie comme si elle était quelqu’un d’important. Une famille chaleureuse, simple, enveloppante. Le genre de gens qu’elle aimerait tout de suite.
Rapidement, il l’avait dominée. C’était facile remarque. Elle se sentait moins que rien, elle n’était pas chez elle, n’avait plus ses repères.
Il avait un talent fou pour devenir fou. Il s’énervait pour tout, pour rien. Il lui hurlait dessus. Au début, elle avait essayé de rétorquer. Mais il criait encore plus fort. Alors pour ne pas déranger ces gens qui l’hébergeaient, elle avait préféré se taire. Quand sa belle-mère essayait de la défendre, il cognait les murs, les portes, s’arrachait les cheveux, bousculait tout sur son passage, la secouait comme une poupée de chiffon…
Sa vie tournait autour de la sienne. Elle ne conduisait pas, ses amis, il les avait tous fait fuir en l’humiliant et la rabaissant devant eux. Ils s’éloignaient tous, gênés par le malaise et la honte de ne rien faire.
Lui, il fumait des joins et prenait de la coke. Entre les défonces, il travaillait parfois. Elle, elle vivait comme un zombie. Son existence, c’était de manger, dormir et faire semblant. Quand elle retournait voir ses parents, il annonçait l’ambiance dès le trajet, en roulant à 200km/h pour lui faire peur. Et quand elle se mettait a hurler, il accélérait. Ça faisait tomber la cage du chat qui, de peur, se faisait dessus. Alors, il s’arrêtait et frappait l’animal pendant qu’elle le suppliait d’arrêter.
Arrivée chez les siens, il la serrait de près, ses gestes étaient contrôlés. Elle était éteinte de toute façon. Son père l’adorait. Ils déblatéraient pendant des heures sur les voitures et les cigares, le parfait tableau du machisme beauf, forcément, elle pouvait pas lutter.
Repartir était une souffrance telle qu’elle avait fini par ne plus bouger de la prison qu’il lui avait crée. A chaque fois qu’elle avait voulu s’échapper, Il avait eu ce même regard que Jack Nicholson dans Shinning. Il donnait des coups de poing juste a côté de son visage. Il hurlait. Terrorisée par sa violence, elle abandonnait, attendant juste que ça passe. Quand il s’était calmé, il venait l’embrasser. Putain, elle en aurait vomi de dégoût mais pour ne pas l’énerver a nouveau elle ne réagissait pas. Souvent il voulait la baiser après. Mon dieu, qu’elle haïssait ce moment… Elle avait même arrêté de s’épiler, de se laver, pris du poids et traînait en jogging pour qu’il n’ait plus envie.
En vain. De toute façon, il la baisait même quand les larmes coulaient sur ses joues.
Un jour que le dégoût était plus fort, elle avait osé lui dire qu’elle ne voulait vraiment pas. Il l’avait poussée a coups de pied en dehors du lit. La, alors qu’elle chialait parterre, il lui avait dit qu’elle était immonde, que c’était une grosse vache, qu’elle avait de la chance que quelqu’un soit avec elle tellement elle était répugnante, qu’elle n’avait décidément rien pour elle…
Ça pouvait durer des heures. Elle aurait voulu répondre mais il hurlait encore plus fort et même quand ses parents réveillés et indignés, étaient intervenus, il reprenait de plus belle ses insultes.
Une fois calmé, la maison a nouveau paisible, il lui avait écarté les cuisses et l’avait pénétrée. Puis après lui avoir giclé dessus, il s’était endormi paisiblement.
Les jours s’écoulaient, elle mourrait a petit feu. Elle ne se rendait même plus compte que ses yeux pleuraient en permanence. Elle étouffait dans sa rage, dans ses peurs et dans son propre dégoût.
Ce qui lui redonnait le sourire de temps en temps, c’était cette famille qui avait pourtant eu le malheur d’engendrer son bourreau.
Un jour qu’il était au travail, sa belle-mère était venue devant elle avec de l’argent. Elle lui avait dit que son fils était mauvais et qu’elle allait l’aider a s’échapper. Dans une panique suffocante, elle avait fourré ses affaires dans un sac et son chat dans sa cage. La sainte femme l’avait conduit a la gare et elle était partie. Tremblant de la tête aux pieds, la terreur des représailles l’empêchant d’avaler sa salive.
En chemin, elle avait réalisé le risque qu’avait pris cette mère pour la sauver de son fils et avait su que cette fois-ci elle ne pouvait plus rester victime et qu’elle réussirait à affronter son démon.
Bien plus tard, quand les séquelles de cette relation l’empêchaient encore d’avancer, elle avait appris qu’il avait rencontré l’amour, qu’il était transformé et heureux père de 3 enfants.
Elle n’avait pu s’empêcher de penser que c’était peut-être bien elle qui induisait le mépris.
Peut-être qu’elle avait provoqué ses réactions. Peut-être qu’elle méritait sa condition. Peut-être que c’était bien fait pour elle après tout. Peut-etre que c’était sa faute.
Comment expliquer autrement que son bourreau soit le prince charmant d’une autre?

6 commentaires
  1. Minich permalink

    J’ai mal au cœur… Mais merci pour ce texte.

  2. Ezykhiel permalink

    Saisissant ce texte, et juste envie de prendre cette personne dans ses bras.

  3. (euh, pardon, mais j’me permet. 99% de chances que ce mec soit juste un connard. (et que non, il ne soit pas le prince charmant d’une autre, mais qu’il l’encage, elle, a son tour))

    Et sinon, la meuf de l’histoire, je lui fais de gros bisous. (et nan, c’est pas elle qui a cherché, ni provoqué, ni mérité, en rien. Au contraire (99% de chances que ce justement pour ses qualités qu’elle a pris cher)).

    Voili. (courage, solidarité, tout ca tout ca 🙂 )

  4. Ouf….Décidément, pas mal de « choses » nous relient..

  5. sk_off permalink

    Dis qu’ elle a trouvé son prince …

Laisser un commentaire